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Notre compte-rendu de participation

Entre craintes et espoirs, le partenariat hospitalier se débat entre pays de la Méditerranée

 
Voilà près de vingt ans que presque chaque année, les journées méditerranéennes de la gestion hospitalière se tiennent en Tunisie. Réunissant désormais plusieurs dizaines de conférenciers et centaines de participants, elles sont organisées dans l’une ou l’autre ville du pays.
 
En 2016, c’est la ville de Sousse qui a été retenue par la Société de Gestion Hospitalière Tunisienne, institution organisatrice, sur la thématique du « Partenariat dans la santé : réalités et perspectives ». Pilar a eu l’honneur et le plaisir d’y participer, en tant que contributeur et partenaire de l’évènement depuis maintenant cinq ans.
Retour sur le compte-rendu délibérément sélectif, subjectif et non exhaustif de notre directrice, Nathalie L’Hostis.
 
 
 

Le partenariat en santé, des illustrations nombreuses mais souvent encore à construire

 
Le comité scientifique des journées avait, pertinemment, conçu un programme autour de trois séances, toutes représentatives d’une forme possible de partenariat dans le domaine hospitalier. Ainsi, plusieurs présentations ont été retenues autour des questions suivantes :
« Quel partenariat entre les différents acteurs du secteur de la santé ? »
« Le Partenariat Public / Privé : une nouvelle approche managériale pour une relance  du secteur public »
« Le Partenariat avec la société civile : une valeur ajoutée et des "success stories"
« Mais … Qu’en est–il du partenariat Public / Public ? »
 
Provenant de Tunisie, de France, d’Algérie et du Maroc, une vingtaine de conférenciers  aux profils variés (gestionnaires hospitaliers, universitaires, institutionnels, représentations d’associations, ex-ministre et même directrice d’institut de conseil et de formation…), se sont succédés au pupitre, dans des présentations le plus souvent francophones.
 
La simple évocation de ce panorama témoigne de l’intérêt et  de la diversité de  cette thématique, pour de nombreux professionnels et établissements de santé. Ce faisant, de nombreuses questions émergent autour de ce sujet nouveau. Par exemple, la loi tunisienne sur les partenariats public-privé a été récemment votée en novembre 2015. La multiplicité des modalités partenariales nécessite assurément cadre réglementaire, pédagogie et accompagnements, dans un contexte où les retours d’expérience ne sont pas si nombreux que cela.
 
 

 

Un séminaire riche en enseignements, également révélateur d’une tension forte sur les établissements de santé

 
S’il est un sentiment plusieurs fois exprimé lors de ces journées, c’est celui de « ne plus avoir le choix ». Nous avons été surpris par la prégnance de ces mots, dès la première séance de présentation. Une longue introduction a en effet été consacrée à la situation économique de la Tunisie, dont les capacités de son Etat à soutenir l’investissement et le développement du secteur hospitalier sont jugées diminuées et durablement insuffisantes. « Nous ne pouvons pas ou plus faire seuls. Notre offre et la réalisation de nos missions ne peuvent passer que par des partenaires, qu’ils soient publics ou plus vraisemblablement privés ». A l’exception de la France, plusieurs intervenants ont renforcé ce besoin par l’insatisfaction, voire la défiance vis-à-vis du secteur public en général, souvent jugé insuffisamment formé, compétent ou intéressé face à ces défis, dans un cadre de forte contrainte. L’actualité en marge du séminaire a d’ailleurs été cruelle, puisque les pharmaciens d’officine tunisiens ont annoncé le dimanche 9 octobre qu’ils imposeraient sans préavis, dès le lendemain, le paiement intégral à tous les patients de leur traitement, en n’appliquant plus le tiers-payant. Les défauts de remboursement depuis plusieurs mois de la Caisse Nationale d’Assurance-Maladie (CNAM) sont la raison de cette décision terrible, rappelant malheureusement un scénario à la grecque. Les mêmes acteurs internationaux sont d’ailleurs en lice, l’actuel ministre des finances tunisien négociant cette semaine à New York avec le Fond Monétaire International (FMI), de ses propres mots de façon âpre et dure. Le FMI exige par exemple une diminution de 12 % des  salaires dans la Fonction Publique, indicateur déjà amèrement connu et intégré par les gestionnaires hospitaliers que nous avons rencontrés.
 
 

La voie du partenariat, inéluctable et passionnée

 
S’il est un thème qui laisse peu de personnes indifférentes, c’est bien la question du qui doit faire quoi et avec quel niveau de « propriété » (c’est-à-dire de droit d’appartenance économique et financière), pour quelle garantie de service rendu à la population, aux usagers et à la Nation. Ces deux jours de séminaire l’ont confirmé : on est pour ou l’on est contre. Les avis indécis ou neutres n’existent pas au sujet de l’utilité, de l’intérêt (en termes techniques, de savoir-faire, de rapidité d’exécution, sur les coûts…), des « dérives » (ce mot fut utilisé plusieurs fois, presqu’autant que celui de privatisation et de corruption) ou de l’équilibre plus ou moins possible entre les différents partenaires. Là ne fut pas le moindre des intérêts de ces journées : constatant ces divergences, dans un esprit de questionnement positif, sans choisir la voie politique ou rhétorique, les repères juridiques et managériaux fournis par les intervenants, ainsi que les échanges avec la salle, ont constitué un apport important, et peut-être même des amorces de solutions ou d’outils.
D’ailleurs, des présentations très intéressantes du PPP relatif à la gestion des énergies au Centre Hospitalier de Niort, aux expériences réussies en matière d’accompagnement des patients atteints de cancer de Sfax par la bien-nommée Dar Amal (« la Maison de l’Espoir »), aux actions pragmatiques et indispensables du Rotary ou de l’association ARIC de Sousse, ont montré que des partenariats volontaristes, bien organisés et d’emblée contrôlés ont des résultats remarquables.
 
Il s’en fallut de peu pour nous imaginer qu’une des meilleures voies pour réaliser des partenariats était celle du projet privé mais à but non lucratif. Las ! Comme tout festival de renom, les échanges du off n’ont pas permis de confirmer cette tendance « in ». Un gestionnaire hospitalier tunisien nous fit part de son insatisfaction lorsqu’une association, bien attentionnée y compris d’un point de vue financier, voulut, dans une logique militante et d’appropriation, s’ingérer dans la gestion quotidienne et stratégique du service hospitalier qu’ils venaient d’aider à rénover.
 
 
 

Le partenariat ne se réduit pas à la régie d’un service public par une entreprise commerciale

 
Du chemin est encore à faire pour bien définir et se mettre d’accord sur ce qu’est un partenariat. Les points ne sont pas toujours clairs pour faire la différence entre la sous-traitance, la coopération en matière de soins, les ressources mutualisés, la mise à disposition ou le leasing. En France, il fut ainsi dit que plusieurs cas sont possibles, des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) en passant par les Groupements de Coopération Sanitaire (GCS), sans omettre les PPP stricto sensu, tous ayant fait l’objet de précisions législatives et juridiques. Joliment inventé par l’un des conférenciers, la coopération internationale, en « Partenariats – Pays – Pays » pourra s’avérer très utile et enrichissante, ne serait-ce que pour partager les retours d’expériences de projets hospitaliers, qu’ils soient fructueux ou plus négatifs.
La compréhension du fonctionnement contractuel, en particulier lors de la définition et de la passation de marchés public, s’avère primordiale et toujours possible, mais demande rigueur, compétences, pilotage serré des calendriers et de la réalisation des prestations, animation et volonté commune. Chaque partenaire a ses propres intérêts et objectifs, dont la pleine connaissance et la prise en compte sont le plus souvent respectables.
Pour contribuer à cette réflexion nationale, le séminaire s’est conclu par la présentation d’une liste de propositions concrètes et circonstanciées, rédigée en temps réel par les rapporteurs de chacune des séances. Elle sera transmise à l’ensemble des membres de l’association et au plus haut niveau du Ministère de la santé.
 
 
 

Nous avons plus de points communs que de choses qui nous séparent

​Parce que le partage, la confiance et les liens durables passent aussi par des expériences culturelles et esthétiques partagées, le moment de la visite en groupe du Musée et de la médina de Sousse, imaginée par les organisateurs, fut particulièrement exceptionnel. Tragiquement touchée par un attentat terroriste des plus sanglants, quelques jours après ceux de Paris, la ville se révèle vivante, animée et le Musée n’est pas la moindre de ses réussites. Epoques punique, romaine, byzantine, chrétienne se découvrent là, dans une unité de lieu, au travers d’exceptionnels mosaïques et objets d’arts, auxquels l’on ne reste insensible.
 
Chacun y trouvera assurément une représentation de ses propres sensibilités, du délicat parfum de jasmin des jardins de ce fort en plein cœur de ville, aux émouvants premières représentations du nom du Christ (le baptistère magistral est l’une des pièces les plus impressionnantes), en passant par l’art de vivre de l’époque romaine, du dieu protecteur Neptune aux symboles prophylactiques envers la fécondité, jusqu’aux incroyables mosaïques du théâtre et de la méduse où la restitution 3D est possible avant l’heure. La grande médina bleue et blanche, s’insère dans ce complexe remarquablement restauré en 2008, témoignant de la vivacité des relations humaines et des échanges de toute nature, actuels et passés, point commun à toutes nos expériences, bien loin des tentatives de séparation et de clivage, où ensemble, les histoires se vivent et s’écrivent au-delà des singularités.
 
 
La cuvée « Sousse 2016 » s’est révélée riche et dynamisante. Nous évoquions les craintes et les espoirs dans notre titre. Nous sommes convaincus que les seconds triompheront des premiers.
 
Un grand merci pour la confiance et l’intérêt renouvelé de nos hôtes.
 
 
 
Pour découvrir la Société de Gestion Hospitalière Tunisienne (SGHT),  cliquer ici [+]
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Pilar vous offre d’accéder à la communication réalisée au titre de notre partenariat avec la SGHT :
« Les groupements de coopération sanitaire en France » [+]
 
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